NL #19. Pilote karting ou pilote auto?
C'était comment le Trophée Kartmag à Varennes et la Lamera Cup à Portimao?
Un pilote de karting rêve souvent de concourir en auto; mais l’inverse est il vrai?
Le monumental Trophée Kartmag
Après 10ans sans compétition karting, Jacky Foulatier m’a proposé ce pari un peu fou de participer à sa course: le Trophée Kartmag. Challenge accepté à condition d’y participer avec mes potes pilotes, Arnaud, mon x-coéquipier de l’Euro Endurance de l’époque Macboys/Technikart et à Clément, mon copilote en Lamera cette saison sur la #32 AlmaR ID Society (ProAm). Peu de préparation pour relever le challenge de s’aligner sur la grille de départ du Trophée Kartmag, niveau championnat de France.
Vieux mais pas obsolète comme disait notre ami Schwartzie dans Terminator, c’est le credo de la catégorie Master/Gentlemen où se retrouvent les pilotes X30 et Rotax de plus de 32 ans. Le Kartmag aurait pu avoir des allures d’échauffement à petit rythme avant d’enchaîner un autre monument du sport auto amateur à Portimao; mais le Trophée Kartmag est une épreuve à haute intensité où il faut venir préparé à l’exigence et à la finesse du pilotage d’un karting de compétition. Impossible d’improviser pour figurer en bonne place. Le secret des experts: un pilotage pur sur une mécanique simplifiée mais très loin d’être simpliste.
Dans une première saison de compétition auto, la parenthèse karting s’ouvre sur une piste plus étroite pour côtoyer le niveau des meilleurs spécialistes français, plus de 300 pilotes de toutes les catégories et tous les âges. Copropriétaire d’un Rotax avec Baptiste, x-champion de France X30, j’ai effectué quelques sessions de préparation sans le frein avant sur la piste du RKC, impatient de connaître mon niveau face à la horde des kartmen aguerris qui passent leur saison à rouler en compétition officielle en NSK ou autre Minarelli.
La découverte d’une des pistes qui fait référence dans l’hexagone Varennes-sur-Allier se déroule sur un matériel Tony Kart (les fameux châssis verts). Rapide et technique, ce tracés simple au premier regard, se révèle beaucoup plus difficile en pratique avec des sorties de virages à soigner car toujours suivies de lignes droites. Les 2 gauches assez lents après le départ et avant le cœur du circuit sont peut-être les plus techniques en Rotax. Freinage sur bosses sur le premier, trajectoires pas évidentes à saisir pour le second; les habitués de la piste ont un avantage certains sur les néophytes.
Quelques pensées vous traversent l’esprit quand votre kart avance sur son chariot vers la pregrille. Les nombreux pilotes auto venus du kart savourent ce moment unique. Ayrton Senna disait qu’il aurait aimé revenir à ses années karting de pilotage pur et simple. Verstappen dirait que seul le kart peut procurer le type de sensation qu’il ressent en F1.
Largeur de voie, dureté de l’arbre arrière, tension de chaîne, choix du carburant et du gicleur pour la richesse, choix de la couronne, réglage du train avant, excentriques, bagues, le dictionnaire magique du karting en compétition. Trouver les bons ingrédients et trouver l’ensemble idéal selon la piste. Heureusement que la structure de Nicolas Picot avec Marvin et Stéphane sont là pour nous préparer un matériel aux petits oignons. Les moteurs Rotax monte à 14400t et atteignent 121kmh en pointe. Un délice de sensation, le sourire est imperceptible mais bien présent sous le casque.
Eminemment plus physique et rythmé que l’auto. Des courses sprint sur quelques minutes beaucoup plus agressives que le rythme de courses d’endurance sur plusieurs heures. Les gommes slick tendres Vega vert offrent un grippe latéral incomparable avec l’inertie d’une auto équipée de pneus de routes semi slick.
La canicule sévit sur Varennes et je mesure ma chance de ne pas avoir à affronter l’air confiné d’un habitacle d’auto à 60 degrés. Étonnamment, l’épreuve la plus physique par temps de canicule en karting, c’est l’attente en pré grille avec très peu d’ombre. Sans prêter attention à ce moment clé pour s’hydrater, un pilote peu s’épuiser avant même le départ de la course.
Les chronos sont compliqués sur une piste gommée par les KZ et du matériel (Tony) bien différent des Sodikart du RKC. Les courses s’annoncent excitantes en partant du fond de grille; “un bon pilote est un pilote qui sait doubler” nous souffle Jacky notre gentil organisateur. Mission attaque totale: il faut doubler et remonter un à un les karts, chaque virage du circuit est une occasion de dépassement. Il faut veiller à éviter la correctionnelle sans risquer de pénalité pour pare chocs enfoncé que les officiels vérifient à chaque arrivée. La chance tient parfois à un rien, une casse moteur dans le tour de décélération de ma première course de classement… le matériel souffre aussi de la chaleur extrême.
Que retenir de ce weekend de compétition karting? Que nous n’étions ni ridicule ni les plus rapides. Je me contente d’un P22 scratch (sur 37 pilotes), P6 Rotax master en finale; je suis tout proche d’un top20, les x30 étaient globalement plus rapide que les Rotax sur ce tracé. Quel incroyable souvenir partagé avec mes comparses qui ont été également en rythme (Clément P25 et Arnaud P31). Pas si mal pour une pige!
J’ai savouré chaque moment de cette toute première course sprint en compétition officielle. Déjà 10ans depuis mes dernières 24h du Mans karting en Rotax… et seulement 15 jours avant ma première 26h en course auto.
La Lamera Cup en Algarve
Très curieux de vivre ma première course longue (26h) en auto cette fois. Quelle va être la fiabilité de la Lamera? En karting on changeait l’arbre arrière à mi course et un moteur cassé prenait 1min à changer. Comment Portimao va t il (mal)traiter les autos? Comment chacun de nos 4 pilotes et notre staff technique va gérer sa concentration sur 26h sans faire d’erreur rédhibitoire? Puissance (mécanique entièrement révisée), propreté (éviter de s’enflammer en piste pour avant tout terminer avec une mécanique ménagée) et patience (26h c’est long et je peux parier que les dépassements se passeront plus au stand qu’en piste avec 25 autos sur 4,6km de circuit). Finalement ces 24h de Portimao seront le vrai test pour notre équipage #32 AlmaR ID Society.
Oublier le karting, son grip lateral incomparable, la remise de gaz avant le point de corde, l’agressivité extrême en piste où les touchettes et poussettes sont la norme. Puissance, propreté, patience… Portimao, jour J, nous y sommes.
Le vendredi, jour de mise en place, découverte de l’Autodrome International d’Algarve lors d’un premier roulage de jour puis un autre de nuit. Seulement 10t chacun pour nos 4 pilotes pour commencer à ménager notre matériel. Le dénivelé de Portimao offre une panoplie idéale de virages aveugles en montée comme en descente. Pour une fois, les heures de préparation en simulateur semblent bénéfiques, le circuit est monstrueux mais pas si impressionnant. Tous les pilotes de la #32 semblent plutôt à l’aise; c’est toujours une joie de retrouver notre trio de pilotes avec les 2 Clément et notre bonus Alex Finkelstein, un pilote d’appoint de prestige, race winner en Clio Cup FR en 2023 et 4x champion de France Rotax.
Le samedi matin, Julien Debin, maitre d’oeuvre de l’organisation course en Lamera Cup nous fait savoir qu’il a parfaitement identifié cet Alex Finkelstein qui va rouler sur la #32 AlmaR ID Society. Le rythme est bon mais de petits grains de sables viennent déjà gripper les habitudes en qualifications… une séance chaotique ponctuée d’un drapeau rouge, des incompréhensions dans notre équipe, et nous voilà privés d’un chrono: nous partons derniers sur la grille aux côtés de la #65 AlmaR Tremblaye.
Grand départ d’une course de 26h sur le toboggan portugais: Clement Loeul assure un départ rapide et serein, Alex affiche déjà sa vitesse de pointe sur une propulsion (arrière) qu’il découvre. La #32 remonte dans le top 10 scratch et top3 de la catégorie ProAm après 4h de course. Le rythme est la. La conduite est plaisante… mais le sort va frapper alors que nos 4 pilotes se relaient au volant. Problème du circuit de freinage puis soucis électriques, les diagnostic de pannes sont parfois complexes et nous contraignent à passer plusieurs heures en réparation à notre stand. L’épreuve physique des 26h de Portimao devient surtout éprouvante pour nos mécanos. A force de persévérance et d’abnégation, la #32 repart en piste au petit matin avec pour seul objectif de rallier la ligne d’arrivée en se faisant plaisir. Mission accomplie le dimanche à 16h.
Le résultat est anecdotique mais le plaisir surpasse la déception. Le circuit de Portimao est un si beau défi de pilotage que les souvenirs resteront à jamais. Bravo aux vainqueurs en scratch (la #1 Team Lamera devant la #35 ETC et la #74 Leclerc) et surtout respect à la #15 qui gagne en ProAm en maintenant un rythme de course prudent et peu gourmand en consommation fuel… c’était sans doute le secret de la victoire en ProAm… rouler à 2, 3 voire 4 secondes au tour des leaders pendant 26h.
Alors auto ou karting?
C’est tellement difficile de choisir. Pour être honnête, voici les éléments qui peuvent faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre même si on parle certainement des 2 faces d’une même passion.
Si vous raisonnez rapport sensations / budget, le karting risque de l’emporter à moins que vous ne rouliez devant en KZ (kart à boîte de vitesse) à un niveau national ou mondial. Les sensations de rouler de façon très proches en peloton vous feront gonfler sensiblement un budget saison auto car le prix d’une portière sera beaucoup plus élevé que celui d’un ponton de karting.
Si vous mettez dans la balance l’implication physique, l’auto sera moins contraignante que le karting même par température élevées dans l’habitacle. Le karting de compétition vous brasse le physique, le dos, les côtes avec une violence qui vous emmènera régulièrement chez l’ostéo. Votre hygiène de vie devra être plus soignée qu’un pilote auto surtout si vous flirtez avec les limites de poids en karting. Curieusement, l’accidentalité en karting sera sans doute plus élevée qu’en auto; un exemple avec la finale du Trophée Kartmag avec un tonneau, quelques cotes cassées/felées, et peut être une cervicalgie pour un pilote Rotax Master malheureux. Rien de très grave mais ce genre de blessures est plus rare en auto même si les conséquences peuvent être parfois plus graves.
Mais finalement, pourquoi choisir entre 2 disciplines très complémentaires. S’il y a un choix à faire, c’est peut être de vous reconnaitre des qualités de pilote plutôt typé sprint (agressif au départ et capable de dépasser beaucoup avec beaucoup de rythme et peu de fautes) ou un pilote plutôt typé endurance (régulier et propre tout en gardant un rythme élevé sans être dans la zone rouge du surpilotage qui use le matériel et fait commettre des erreurs). Une question sans fin à laquelle les autres sauront peut être répondre plus facilement que vous même. Tant que vous êtes dans une pratique amateur, est ce vraiment une question importante?
Spéciale dédicace à Alban Varutti (interview ici), devenu champion d’Europe GT4 (Catégorie Am) le weekend dernier à Hockenheim avec un départ d’anthologie en course 2 à retrouver ci-dessous. Bravo champion 👏